Mais que fait la police (espagnole) ?

Lettre ouverte à l’attention :
– du Premier Ministre espagnol José Luis Rodriguez Zapatero,
– du gouvernement espagnol,
– du secrétaire général de la sous-délégation du gouvernement en Guipúzcoa.

Je m’appelle Jean-François GANANÇA. Citoyen français, je me qualifiais jusqu’à présent de  Basque d’adoption et ce depuis 2002. Attachés à la cote Basque, mon épouse et moi vivons à Saint-Jean-de-Luz et éveillons notre fils de bientôt 4 ans aux traditions, au folklore et à la langue basque. Nous nous sentons trop éloignés du débat sur une éventuelle indépendance ou autonomie du Pays Basque et de ce fait, nous n’avons pas d’opinion tranchée sur le sujet. Originaires d’horizons divers, nous souhaitons que le Pays Basque soit l’endroit où notre fils grandisse, vive, et s’enracine s’il le souhaite.

Le 14 avril 2010, alors que je me rendais à Béhobie pour y faire quelques achats, j’ai fait l’objet d’un contrôle de la part de la police espagnole. Utilisant la voiture de mon épouse, j’ai oublié de prendre la carte grise et de cela je suis coupable.

En l’absence de ce document, les policiers m’ont fouillé ainsi que la voiture. Ils n’ont rien trouvé sur moi mais ont mis la main dans le vide poche de la portière avant gauche (conducteur) sur un couteau de type opinel oublié là depuis des années. Ils m’ont informé que cela était interdit en Espagne.

Durant le contrôle, les agents de police m’ont demandé d’inscrire sur un papier libre le nom de mon épouse, le mien ainsi que mes coordonnées et jusqu’aux noms et prénoms de mes parents. Pour autant que je me souvienne, je n’ai rien signé, et je n’ai jamais porté quelle que mention que ce soit sur un quelconque imprimé.

deo-basque-cbrougeUn des policiers me montra le désodorisant de voiture pendu au rétroviseur intérieur et me demanda ce que c’était. Je lui répondis avec un espagnol bien pauvre qu’il s’agissait de quelque chose qui servait à ce que la voiture sente bon. Il me répondit par la négative et me montra plus précisément le motif qui se trouvait sur le gadget en me reposant la question. Je lui répondis alors qu’il s’agissait de la croix basque. Il me demanda alors si je savais ce que cela signifiait. Je répondis qu’il s’agissait d’un des symboles de la culture basque. Là il me répondit par la négative en ajoutant que c’était l’ETA. Estomaqué je niai cette allégation en réitérant ma réponse précédente. Là il parla trop vite pour que je comprenne tout ce qu’il disait mais je compris nettement lorsqu’il traita les Basques de « Hijos de puta » sans distinction. Là je me demandai s’il ne cherchait pas à me faire sortir de mes gonds histoire de se défouler sur moi aidé de ses collègues lourdement armés.

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Il refit le tour de la voiture et vit l’autocollant de soutien aux Ikastola collé sur la lunette arrière et en lu le contenu avec un mépris clairement affiché sur son visage. Je me demandai même un instant s’il n’allait pas cracher sur le véhicule. J’étais trop loin de lui pour entendre ses commentaires mais à son visage, je compris qu’il n’y a avait rien d’aimable dans ses propos.

Après une bonne dizaine de minutes, on me rendit mes affaires en les replaçant dans un ordre plus qu’aléatoire dans mes poches et on m’invita à remonter dans ma voiture. Le dernier agent qui m’adressa la parole, s’exprima en Français et me dit de repartir immédiatement en France et de ne revenir qu’avec les papiers du véhicule ce que je fis sans discuter. Je cru à ce moment là m’en être sorti à bon compte.

Le 6 Mai 2010, j’ai reçu un courrier recommandé contenant une lettre qui pourrait s’apparenter à un procès verbal dans laquelle je suis condamné par l’administration générale du gouvernement de Guipúzcoa à payer une amende de 300,52 Euros pour le port d’une arme blanche.

Jamais je n’ai été informé que j’allais recevoir une contravention par la poste. Jamais je n’ai signé un quelconque document administratif dans lequel je reconnaissais les faits. Et surtout, jamais je n’ai porté d’arme blanche mais le procès verbal indique pourtant que le couteau se trouvait dans la poche avant droite de mon blouson. Il s’agit là d’un faux témoignage de la part de l’agent de police auteur du procès verbal.

L’article de loi sur lequel s’appuie le procès verbal dit qu’il est interdit de porter une arme blanche en dehors de son domicile. J’ignore ce que dit le droit Espagnol à ce sujet, mais le droit Français dit que la voiture est une extension du domicile. Si la loi espagnole dit la même chose je n’étais pas en infraction. Et quand bien même, il n’en reste pas moins que le policier a menti.

Certes il s’agit de ma parole contre celle d’un agent assermenté de l’état espagnole. Les faits divers nous démontrent tout de même tous les jours qu’être assermenté ne fait pas de vous un saint. De plus, étant moi-même agent d’état Français, je ne pense pas être stupide et sais qu’il est risqué et déraisonnable de franchir la frontière avec un couteau dans la poche.

Soyons rationnels une minute. J’habite Saint-Jean-de-Luz, je travaille à Bordeaux où je me rends tous les jours par le train (www.1trainderetard.fr). Depuis la gare, je me rends à mon bureau en vélo. Autrement dit, je croise tous les jours les forces de la police ferroviaire, la police nationale à la gare (par laquelle j’ai déjà été contrôlé plusieurs fois sans suite) et je croise régulièrement cette même police ainsi que la police municipale quand je circule à vélo et j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de les rappeler à l’ordre quant à leur devoir de montrer l’exemple et d’assurer la sécurité des usagers. Sachant cela, pensez-vous que je serais assez stupide pour porter une arme blanche sur moi ?

De plus, le procès verbal indique clairement que le couteau aurait été trouvé dans la poche avant droite de mon blouson. Or, cette poche devait impérativement rester vide. C’est en effet celle où je rangeais les clés du véhicule que j’utilisais pour être sûr de toujours les avoir avec moi et ce depuis qu’on m’a dérobé dans le train une sacoche où se trouvait l’autre jeu. J’ai d’ailleurs porté plainte au commissariat de Saint-Jean-de-Luz.

Je reconnais la souveraineté de l’Espagne et accepte les lois en vigueur dans ce pays. En revanche, je n’accepte pas que des policiers sous couvert de l’uniforme et de l’autorité qui leur sont donné se permettent d’intimider un individu, de l’insulter lui et la communauté dans laquelle il s’inscrit, de porter un faux témoignage à son encontre, de ne pas s’assurer qu’il a compris ce qui lui a été dit, et enfin de ne pas l’informer des suites de la procédure.

Il est tout à fait compréhensible que les policiers espagnols ressentent de la haine envers l’ETA compte tenu du nombre d’entre eux tombés dans l’exercice de leur fonction dans le combat qui les oppose. Cela étant dit, revendiquer la culture basque n’est pas synonyme d’appartenance à ETA et même pas le signe d’une quelconque sympathie avec ce groupe. Les Basques non-violents ça existe.

Sinon, cela signifierait que l’état Français encouragerait le terrorisme en facilitant le commerce de ces produits estampillés aux symboles de la culture basque. Comportement étrange pour un état dont la police collabore avec les autorités espagnoles dans sa lutte contre l’ETA, non ? Et pourquoi pas interdire le survol de l’Espagne par des avions Boeing symboles des attentats du 11 Septembre perpétrés par Al-Quaida, groupe terroriste auteur des attentats dans les trains espagnols ? L’absurdité n’a pas de limites.

Je comprends à ce jour à quel point il est difficile d’assumer son identité basque en Hegoalde . Mais en tant que citoyen français, j’ai l’impression d’avoir mis les pieds ce 14 avril 2010 dans une république bananière et non dans un pays voisin du mien, membre de la communauté européenne.

Je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement entre cet évènement et la condamnation dont a fait l’objet la veille, l’état espagnol pour avoir fait fermer un quotidien espagnol sur simple présomption de complicité avec l’ETA. Aurais-je été victime de représailles aveugles de la part de l’état espagnol envers le peuple basque dans son intégralité et sans discernement ?

Quelqu’un a dit un jour « Est Basque celui qui se sent Basque ». Je vis au pays basque, je vis la culture basque et je m’en imprègne au quotidien, du moins j’essaie. Aujourd’hui on m’opprime comme un Basque. Oui je commence à me sentir Basque. Mais certainement pas un fils de pute.

PS : A ce sujet, j’attends toujours que la sous-délégation du gouvernement en Guipúzcoa me rembourse les 300,52 €. Parce que me traiter de fils de pute c’est une chose, mais à ma connaissance, est pute celle qui se fait payer pour baiser l’autre, non ?

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